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Tour d’horizon des décisions sur les « loyers covid »

Depuis juillet dernier où l’on a pu prendre connaissance de la première décision de référé ayant statué sur l’exigibilité des loyers commerciaux pendant le premier confinement, le positionnement des magistrats a évolué et les argumentaires juridiques aussi.

Aujourd’hui, les preneurs de locaux commerciaux savent qu’ils ne peuvent plus invoquer en référé la force majeure, l’exception d’inexécution ou encore l’obligation de délivrance pour faire échec du paiement des loyers ou réclamer une diminution, à tout le moins, du montant des loyers. Sauf à souligner néanmoins l’existence de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 09 décembre 2020 (RG 20/05041) aux termes duquel on avait pu lire « la fermeture totale du commerce de la société Ten Oz dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et du confinement est susceptible de revêtir le caractère de la force majeure, si bien qu’il existe une contestation sérieuse quant à l’exigibilité des seuls loyers courant à compter du 11 mars 2020 ».

L’exigence de bonne foi dans l’exécution des contrats est par contre relevée par les magistrats comme un argument juridique valide pour fonder une contestation sérieuse en référé et par deux décisions du 26 octobre 2020 (RG 20/55901 et 20/53713) le Tribunal Judiciaire de Paris (référé) soulignait « Selon l’article 1134 devenu 1104 du Code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce dont il résulte que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives ».

Dans une décision du 08 janvier 2021 (RG 12-20-002225), le Tribunal Judiciaire de Paris décidait à nouveau que « constitue une contestation présentant un caractère sérieux […] le moyen soulevé portant sur les manquements reprochés aux bailleurs à leur obligation de négocier de bonne foi l’adaptation de l’exécution du contrat pour tenir compte du bouleversement économique induit pas la crise sanitaire, qui nécessite un examen au fond ».

Une décision encore plus récente, (TJ référé Paris 21.01.2021 RG 20/55750) confirme que cette obligation d’exécuter de bonne foi les contrats peut fonder une contestation sérieuse comme il en est également des dispositions de l’article 1195 du code civil aux termes duquel « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. ». Ces fondements juridiques sont donc susceptibles de fonder une contestation sérieuse faisant échapper les affaires aux pouvoirs des juges des référés et les renvoyant à l’étude des juges du fond. Il s’agissait en l’espèce d’un restaurant.

Enfin, une décision du Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Paris (TJ Paris JEX 20.01.2021) vient d’ordonner la mainlevée d’une saisie-attribution opérée sur la base d’un bail commercial notariée pour des loyers impayés sur le fondement de l’article 1722 du code civil relatif à la perte de la chose louée estimant que l’impossibilité d’exploiter pendant le premier confinement pouvait être assimilé à la perte de la chose louée et en tirant comme conséquence que les loyers du 16 mars au 11 mai 2020 n’étaient pas exigibles…

En conclusion : aucune de ces décisions n’est définitive et nous ne savons pas encore quelle sera la position des juges du fonds.

Force est constater en pratique que cela donne du temps aux locataires commerçants pour essayer de sortir de la crise sanitaire en reportant le paiement de leurs loyers.

Il ne faut néanmoins pas généraliser puisque chaque affaire est unique et la situation respective des bailleurs et des locataires est analysée à chaque fois avec minutie par les juridictions, les magistrats étudiant le secteur d’activité du locataire (et notamment le fait de savoir son activité fait l’objet de mesures de fermeture administrative)t ses éléments comptables…condamnant certains à payer ce qu’ils doivent.