Dans une décision rendue le 30 mars 2022, la Cour d’appel de Paris a, en référé, retenu « la destruction de la chose louée » pour remettre en cause l’obligation de paiement du loyer pendant les périodes de fermeture administrative pour un preneur qui exploitait une résidence de tourisme.
Dans cette affaire, le locataire d’un bail commercial avait suspendu, pendant les périodes de fermeture administrative liées au Covid-19, le règlement des loyers auprès des propriétaires. Mécontents, ces derniers avaient saisi la justice et obtenu du Président du Tribunal Judiciaire de Paris la condamnation du preneur au paiement des sommes dues (Ordonnance de référé du 9 septembre 2021). Devant ce résultat, l’exploitant a fait appel de la décision.
C’est dans ce contexte que, saisie du litige en appel de l’ordonnance de référé susvisée, la Cour d’appel de Paris a jugé que « la destruction de la chose louée peut s’entendre de la perte matérielle de la chose louée mais aussi d’une perte juridique, notamment en raison d’une décision administrative et la perte peut être totale ou partielle, la perte partielle pouvant s’entendre de toute circonstance diminuant sensiblement l’usage de la chose. La perte partielle de la chose louée peut être définitive mais également temporaire ». Elle en déduit logiquement que « En l’espèce la société IF IG IH a subi une perte partielle de la chose louée puisqu’elle n’a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative d’une durée de 56 jours ainsi qu’il a été constaté précédemment »
Les juges ont ainsi reconnu que les périodes de fermeture administrative pouvaient être considérées comme assimilables à une perte partielle de la chose louée dans la mesure ou le locataire n’a pu ni jouir de la chose louée, ni en user conformément à sa destination. Cette décision, qui retient la perte de la chose louée afin d’obtenir une exonération ou un remboursement des loyers facturés durant ces périodes, reste toutefois une décision de référé (Cour d’appel de Paris, Pôle 1 chambre 3, 30 mars 2022, RG n° 21/16710)
Il n’est pas évident que les magistrats de la 18ème chambre du Tribunal judiciaire de Paris auront la même opinion compte tenu des décisions au fond rendues par cette dernière récemment et notamment du jugement du 20 janvier 2022 ayant rejeté l’application de l’article 1722 du code civil pour une activité de restauration au motif que les locaux loués n’étaient pas détruits ni de manière définitive, ni complètement ou partiellement et que l’impossibilité d’exercer leur activité du fait de l’urgence sanitaire s’expliquait par la nature de l’activité elle-même et non par la chose louée elle-même (TJ Paris, 20 janvier 2022, 18ème chambre 2ème section, RG 20/06770).
Une autre décision, cette fois décision au fond et rendue par le Tribunal judiciaire de Béthune le 12 avril dernier, a également retenu l’application de l’article 1722 du Code civil et considéré qu’il existait « impossibilité juridique absolue et temporaire pour le locataire d’user de la chose louée entre le 15 mars 2020 et le 11 mai 2020 au regard des mesures prises, impossibilité qui équivaut à une perte de la chose louée au sens de l’article précité et un motif de diminution du prix ».
En l’espèce la clause de destination du bail visait la « vente au détail d’articles d’équipements de la maison, d’équipements de la personne, culture, loisirs, confiserie et à titre accessoire, location de véhicule ».
On soulignera que l’exercice d’une activité de vente en ligne a été écartée faute de démonstration de l’existence d’un service de « click&collect » lors du premier confinement.
Les magistrats en ont déduit que le preneur « qui n’a pu exercer l’activité pour l’exercice de laquelle le bail a été conclu durant la période considéré » devait être « dispensé du paiement du loyer entre le 15 mars 2020 et le 11 mai 2020 » (Tribunal Judiciaire de Béthune, 12 avril 2022, RG 20/02378).