Par trois arrêts très attendus, la Cour de cassation vient de mettre un terme au débat juridique qui animait les prétoires depuis plus de deux ans : les locataires de locaux commerciaux ne seront pas exonérés du paiement des loyers dus pendant les périodes de confinement.
Un contentieux important relatif au paiement des loyers commerciaux s’était développé depuis le premier confinement. Au cœur des débats, cette question : les commerçants, dont les commerces avaient été considérés comme « non essentiels » et à qui il avait été interdit d’accueillir du public durant la crise sanitaire, étaient-ils fondés à revendiquer ne pas payer leurs loyers pendant les périodes de fermetures ?
A cette question, la Cour de cassation répond par la négative en affirmant que l’obligation de paiement des loyers n’est ni suspendue, ni neutralisée, ni réduite pendant les périodes de confinement. Les Hauts Magistrats estiment en effet que la mesure d’interdiction de recevoir du public prise pendant la crise sanitaire :
- Ne peut être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l’article 1772 du Code civil puisqu’elle était générale et temporaire, avait pour seul objectif de préserver la santé publique et était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par les contrats ;
- Ne constitue pas une inexécution de son obligation de délivrance par le bailleur ;
- Et ne peut pas être invoquée au titre de la force majeure par le locataire.
Ainsi, doit être laissé à la charge du locataire, pendant les périodes de confinement, le risque lié à l’empêchement provisoire de bénéficier de son local commercial.
Pour certains, les solutions retenues à l’égard des locataires s’expliquent par l’importance des aides publiques dont ces derniers ont pu bénéficier, ainsi que par les mesures de droit dérogatoires adoptées en leur faveur.
Mais il ne faut pas oublier que le droit de propriété (qui se décompose en usus, fructus et abusus) est un droit à valeur constitutionnelle et que, aux termes de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n’est lorsque que la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Il semble dès lors que la Cour de cassation n’avait d’autre choix que de juger comme elle l’a fait…
Cour de cassation, 3ème chambre civile, 30 juin 2022, pourvois n° 21-20.190, 21-20.127 et 21-19.889